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Communiqué de presse - 25 Novembre 2022

Le 25 novembre 2022


 

Comment les chauves-souris font-elles face aux virus qu'elles hébergent ?

Les chauves-souris sont une énigme pour les immunologistes : elles n'hébergent pas nécessairement plus de virus que les autres mammifères, cependant elles ne manifestent aucun signe clinique une fois infectées alors que les mêmes virus peuvent être mortels pour nombre de mammifères dont l’humain. Les études récentes soutiennent que les chauves-souris ont un système unique de défense contre les infections virales qui pourrait être, entre autres, lié à l'adaptation évolutive au vol, mais ces études se sont concentrées sur un nombre limité de systèmes hôte-virus. En effet, avec plus de 1400 espèces distribuées sur tous les continents exceptés l'Antarctique, les chauves-souris ont été exposées à une grande diversité de pathogènes viraux durant les 60 millions d'années de leur évolution. Elles se sont adaptées de manière spécifique aux virus rencontrés tout au long de leur histoire d’exposition, façonnant ainsi leurs réponses antivirales.

Afin de déterminer comment les chiroptères ont évolué face à leurs pathogènes viraux, et comment ces adaptations influencent leur susceptibilité / résistance aux virus modernes, comparativement à d’autres mammifères, des scientifiques du Laboratoire de Biométrie et de Biologie Évolutive (LBBE) et du Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) soutenus par le LabEx Ecofect, et en collaboration avec des scientifiques de l’Université de l’Utah (équipe de N. Elde) et Davis (équipe de S. Rothenburg), ont étudié la diversification génétique et fonctionnelle d’une protéine de l’immunité innée, dénommée la protéine kinase R (PKR). Celle-ci a pour rôle majeur de bloquer la synthèse des protéines virales lors des infections par des familles de virus à ADN (ex. poxvirus, herpèsvirus) et ARN (ex. hepacivirus, orthomyxovirus). Les chercheuses et chercheurs se sont appuyés sur un échantillonnage d’espèces de chauves-souris couvrant 60 millions d’années de leur évolution, et ont combiné des études évolutives, fonctionnelles et d’infections expérimentales de cellules dans le but de comprendre comment les différences génétiques dans la protéine PKR impactent l’activité antivirale chez les chauves-souris. Ils ont montré que PKR présente des adaptations génétiques spécifiques, qui résultent de courses-aux-armements génétiques entre PKR et d’anciens virus pathogènes, pour maintenir sa fonction antivirale. En particulier, et de manière originale, les scientifiques ont révélé l’existence de plusieurs copies de PKR dans le génome de certaines espèces du genre Myotis, alors que tous les autres mammifères étudiés jusqu’à présent ne possèdent qu’une seule copie. Des expérimentations dans des cellules ont montré que cette diversification génomique et génétique chez les Myotis leur permet probablement de mieux contrôler les virus (1) en augmentant leur réponse antivirale grâce aux différentes copies de PKR, et (2) en diversifiant leurs moyens d’échapper aux mécanismes antagonistes des virus. Finalement, les chercheuses et chercheurs montrent que toutes ces adaptations qui se sont produites sur plusieurs millions d’années ont un impact sur la susceptibilité des espèces aux virus qui circulent aujourd’hui dans les populations. Ces résultats sont publiés dans Science Advances, le 23 novembre 2022.

Référence de l'article.

Adaptive duplication and genetic diversification of Protein kinase R contribute to the specificity of bat-virus interactions.
Stéphanie Jacquet, Michelle Culbertson, Chi Zang, Adil El Filali, Clément De La Myre Mory, Jean-Baptiste Pons, Ondine Filippi-Codaccioni, M. Elise Lauterbur, Barthélémy Ngoubangoye, Jeanne Duhayer, Clément Verez, Chorong Park, Clara Dahoui, Clayton M. Carey, Greg Brennan, David Enard, Andrea Cimarelli, Stefan Rothenburg, Nels C. Elde, Dominique Pontier*, Lucie Etienne*

Scientific Advances, first published 2022 Nov 23 | Lien vers l'article